Un sentiment d'incompétence Feat Gideon Prewett

La paperasse s’accumulait sur le bureau de Gideon. L’auror n’avait jamais été très doué pour remplir un tas de formulaire et autant le dire : il détestait ça. Malheureusement, son merveilleux assistant qui faisait cette tâche pour lui, lui permettant d’assister à des réunions interminables et à aller sur le terrain, n’avait rien trouvé de mieux que de tomber malade. Cette sinistre absence obligeait le jeune Prewett à s’asseoir derrière son bureau et à s’enfermer métaphoriquement jusqu’à ce que la pile de papier disparaisse. Il avait à peine apposé sa signature sur le premier formulaire qu’il soupirait comme jamais. Et la journée ne faisait que commencer. Il allait avoir besoin de quelques litres de café et plus encore avant de se récompenser ce soir avec un whisky pur feu.

Heureusement, en tant que chef des aurors, il lui était impossible d’être tranquille très longtemps. Les aurors se glissaient régulièrement dans son bureau, pour lui rendre des comptes sur les missions en cours ou pour lui demander des autorisations d’intervention. C’était quelque chose qu’il appréciait énormément dans son travail même si les objectifs étaient souvent très discutables et qu’il ferait ensuite en sorte qu’ils ne soient pas atteignables. Le problème était que d’un autre côté, pour qu’il garde sa place et surtout son influence, certaines devaient être menées à bien. Il ne pouvait pas prendre de risque d’être découvert.

Il était perdu dans ses pensées lorsqu’un dossier claqua sur son bureau, l’obligeant à revenir un peu trop violemment à la réalité. Aliera Fawley. Il arqua un sourcil, regardant la jolie rousse puis le dossier. Il s’enfonça un peu plus dans sa chaise en croisant les bras.  

« Miss Fawley. Que me vaut se plaisir ? Laissez-moi deviner. J’ai utilisé l’encre verte et non la noire pour signer votre précieux document ? Prunelle de vos yeux. »

La jeune sorcière s’installa sur le bureau de Gideon, lui laissant l’occasion de l’observer en détail. Comment un être aussi désagréable pouvait être aussi désirable ? Apparemment il y avait des erreurs dans le dossier. Il leva les yeux au ciel et soupira, sachant qu’il allait avoir le droit à un cours. Elle lui montra plusieurs lignes, lui expliquant ses erreurs. Notamment l’utilisation du mauvais formulaire qui avait entraîné du retard et le risque de divulguer des informations pouvant avoir un impact sur la sécurité du maître… La situation était plus exquise. Si seulement elle avait à quel point il l’avait totalement fait exprès. Elle était sur les nerfs, face à un Gideon qui était totalement impassible… Si ce n’est un petit sourire narquois qui apparut sur son visage.

« Effectivement je vais soumettre votre requête au département. Il me semble plus que primordial de demander aux Aurors – qui soit dit en passant son sélectionné parmi les excellents élèves – s’ils savent lire. Ou peut-être devrions-nous les recruter parmi les agents psychorigides de votre département ! Je les imagine très bien sur le terrain… Une franche rigolade.  »

Il lui fit un petit sourire accompagné d’un haussement de sourcils. Il décroisa les bras et les posa sur le bureau se rapprochant d’elle.  Il alla encore plus loin, jouant avec ses nerfs.

« Mais si vous me proposez un cours particulier sur vos formulaires… en tête à tête… Je ne pourrai refuser ! »

Même dans son propre bureau, Gideon se faisait envahir par Aliera qui était bien décidée une fois de plus à le reprendre sur un détail aussi stupide qu’anodin présent sur un formulaire qui s’empilait en tas sans lui laisser une chance d’en voir le bout. Toutefois, malgré l’air renfrogné de la jeune femme, cette visite n’était pas des plus désagréables. Déjà parce que c’était un régal pour les yeux mais aussi parce qu’il prenait un malin plaisir à la rendre folle et à jouer avec ses nerfs. C’était presque devenu un sport à ses yeux, et si tel était le cas, il serait surement bien classé. À peine avait-elle claqué son dossier sur son bureau pour attirer son attention que les hostilités étaient lancé. L’un d’eux allait forcément en sortir vainqueur. Comme il le supposait, la jolie rousse ne comprit pas la pointe d’ironie dont il fit preuve concernant l’utilisation de l’encre verte… Et elle n’était surement pas au fait la proposition graveleuse qui se cachait derrière sa proposition de châtiment. Il afficha un sourire en coin :

« Est-ce une proposition ? Un encouragement à l’erreur ? Je ne vous connaissais pas sous cet angle Miss Fawley. Je dois avouer que c’est plutôt tentant. »

Le jeune auror la regarda installer ses papiers sur son bureau, cette dernière lui faisant des reproches sur un dossier qui n’était pas rempli correctement, du moins selon ses critères. Il se demanda un bref instant si elle le prenait véritablement pour un idiot… Oui. Sans l’ombre d’un doute. Sinon elle aurait déjà fait le rapprochement sans tout mettre sur le dos de l’incompétence. C’était mieux pour lui. Il leva les yeux au ciel et soupira. Elle n’allait pas le laisser tranquille avant que l’erreur ne soit réparée. Erreur qu’il se ferait un malin plaisir de reproduire. Elle lui exposait ses erreurs. Il répondit toujours avec le même sarcasme qu’il était effectivement des plus pertinent de demander à ses aurors s’ils savaient lire, n’hésitant pas à lâcher une petite pic sur le côté psychorigide de son département. Il avait visé juste alors qu’elle semblait s’indigner de son commentaire. Elle lui renvoya le compliment de façon sanguinolent. Il ne se laissa pas démonter. Dans le fond est-ce que ça le touchait vraiment ? Pas venant d’elle.

« Toutes mes félicitations. J’espère au moins que vous avez obtenu une belle médaille pour exposer dans votre salon. Ou peut-être dans votre bureau ? Je ne sais. Où avez-vous le plus besoin de reconnaissance ? Pour ma part, comme vous l’avez si bien souligné, je n’aime que le concret. »

Gideon décroisa les bras et les posa sur le bureau, réduisant encore la distance entre eux. Il tenta de jouer avec ses nerfs en lui proposant un rendez-vous en tête à tête, mais la subtilité échappa totalement à la jeune femme. Cette fois il ne put retenir son hilarité alors qu’elle lui répondait qu’il devait voir avec ses secrétaires.

« Je n’y manquerai pas. J’en profiterai pour vous former sur l’ironie et le second degré. Ce sera certainement le début d’une merveilleuse coopération entre nos deux services. »

Il haussa les sourcils en cherchant son regard. Il lui fit un petit clin d’œil avant de s’enfoncer sur sa chaise.

Aliera Fawley était une personne détestable, qui était l’opposée même de Gideon. C’était typiquement le genre de personne sur qui il ne se serait pas retourné… Si ce n’était pour le défi. N’était-ce pas d’ailleurs un peu le cas aujourd’hui. Gideon jubilait intérieurement de la voir s’énerver, s’enflammer pour des détails qui étaient loin d’être le résultat de l’incompétence de l’Auror, mais bien de décisions prises en toute conscience pour aider son véritable camp. Un jeu de regard se créa entre eux, alors que le jeune homme n’en démordait pas, précisant sa pensée sur la possibilité d’un châtiment. Son air dégouté le fit sourire, se délectant de l’avoir poussé au-delà de ses retranchements, sur un terrain sur lequel elle était surement beaucoup moins à l’aise que lui. Elle le réprimanda en lui disant qu’il allait trop loin, qu’elle préférait le suicide à l’idée d’une nuit avec lui. Il reprit sa contenance et haussa les épaules.

« Ravi de savoir que dans une telle situation, je pourrai jouir d’un peu de tranquillité. »

Gideon n’était pas du genre à se laisser démonter. Il était pour beaucoup bien trop imbu de sa personne… ou alors peut-être était-ce simplement le besoin presque maladif d’avoir le dernier mot. Il avait mauvais caractère et était du genre à ne pas en démordre. Aliera faisait ressortir cette partie de sa personnalité. Il continua à piquer la jolie rousse, qui finit par se vexer. Il vit arriver sa colère et arrêta son geste, attrapant son poignet à quelques centimètres de sa joue. Pour la première fois, sa façade se brisait. Aliera laissait transparaître de la colère, si ce n’était pas de la haine et de l’agacement. Ses paroles touchèrent le jeune auror en plein cœur. Cette fois c’était elle qui dépassait les limites. Il savait que rien de ce qu’elle disait n’était vrai mais que c’était ce qu’il devait laissait paraître aux yeux du monde. Si elle le pensait réellement, c’était une bonne chose… Son alibi était bien ancré, même dans les esprits les plus rigides. Mais ça ne pouvait que le vexer d’autant plus. Il la fusilla littéralement du regard, ses prunelles n’enflammant. Si tel avait été le cas, elle serait morte sur le coup.

« Soyons clairs sur un point. Je ne vous permets pas. Vous avez peut-être une haute estime de vous-même, vous avez peut-être gravi les échelons, mais ne vous méprenez pas. Bientôt votre place sera ailleurs, auprès de votre époux dans la chaleur de votre manoir. Et non dans un bureau. N’est-ce pas ce que l’on attend des épouses ? Croyez-moi. Ma place est bien plus enviable que la vôtre. »

Il ne pensait pas un mot de ce qu’il disait. Gideon était loin d’être misogyne et il n’avait d’ailleurs jamais compris pourquoi on avait tendance à reléguer les femmes au second plan. Il avait toujours été élevé dans la plus grande équité homme-femme. Mais elle avait dépassé les bornes et il était temps de lui remettre les pieds sur terre. Il lui lâcha la main immédiatement après avoir fini et la regarda renvoyer ses cheveux en arrière.

Gideon retrouva sa contenance, comme si rien ne s’était passé. Il se rapprocha d’elle et lui affirma qu’il n’oublierait pas de prendre rendez-vous en sa compagnie. Elle soupira et il se fit à nouveau rabrouer. Elle lui annonça préférer se séparer de l’une de ses secrétaires pour lui offrir. Il hocha la tête alors qu’elle précisait que c’était pour réduire leur contact. Il allait trouver un autre moyen.

« Enfin un point sur lequel nous sommes d’accord. »

Il ne la lâcha pas du regard. Ils se défiaient… Et il devait avouer qu’il aimait particulièrement ça.